FEMMES DE TÊTE
.
ENE ERGMA
Astrophysicienne
Elle a dit
:
Si vous regardez les chiffres, combien de jeunes femmes ont suivi l’éducation
supérieure, c’est cinquante à soixante pourcent dans chaque
pays. Et si nous perdons ces gens, je crois, Monsieur Busqun, notre zone de
recherche ne sera pas un succès, notre zone de recherche libre et pour
y avoir 800000 personnes dans la recherche, des nouvelles personnes.
Qu’en est-il du gouvernement? Je dois dire que…eh….je suis
dans une double position ici comme je suis présidente du parlement Estonien,
je pense à ce problème très sérieusement…et...mon
entrée en politique a été liée au fait qu’il
est très important, surtout pour des petits pays, de construire des sociétés
sur la base de la connaissance. C’est notre avenir . C’est ça
notre avenir, et le capital humain est le seul que nous pouvons utiliser. Et
si vous gaspillez le capital que sont les femmes il n’y aura pas de succès.
Je voudrais dire que c’est toujours difficile pour moi de parler de ces
problèmes, car les hommes me disent souvent : « pourquoi tu parles
de tout ça, tu as fait une excellente carrière ! »
Il y a deux ans, je ne pensais pas encore à ça. Mais on doit en
parler. C’est la première étape. On doit en parler. On doit
se demander quel est notre problème. Si c’est un vrai problème.
Qu’est-ce qu’on peut faire ? Ca c’est le début, c’est
vraiment important.
Pour faire de la science, il faut être un peu fou. Pas seulement dans
nos pays, dans les vôtres aussi. Tous ceux qui travaillent dans la science
perçoivent moins d’argent que ceux qui travaillent dans des banques,
dans les affaires. Mais si vous le faites, si vous vous le permettez, alors
c’est quelque chose comme si votre âme chantait.
CHRISTINE NÜSSLEIN VOLHARD
Biologiste
Elle a dit :
Quand j’ai commencé en recherche, en fait… je n’y ai
pas pensé, je croyais que une femme pouvait bien évidemment en
faire. Mais je me suis rendue compte, à mon premier poste de recherche,
que ce n’était pas si évident que ça. Pour la première
fois de ma vie j’ai compris ce que veut dire « le chauvinisme mâle»
et des collègues m’ont dit que les femmes n’avaient pas la
vie facile dans ce laboratoire.
Le chef ne croyait pas que la des femmes soient capables de mener à bien
des recherches. Il y avait une discussion, dans le laboratoire ; une femme demandait
son opinion au chef,. Il était convaincu que les femmes avait d’autres
talents que les hommes et qu’elles ne valaient pas grand chose dans la
recherche, car il n’y avait jamais eu un Einstein féminin. Cette
phrase m’a fortement contrariée. J’étais furieuse,
mais je me suis abstenue de me joindre à la discussion.
Quand on lui a démandé quels étaient les talents de la
femme, il a ajouté que c’était la poterie. On trouvait ça
très insultant. Si on fait vraiment de la recherche qu’on la fait
bien, ce n’est pas très encourageant quand on comprend que les
gens autour n’estiment pas votre travail.
Mais celà dit, j’étais très opiniâtre et j’ai
fait ma place.....et j’ai aussi eu du succès. Il y avait certainement
des moments, pendant ma carrière, où j’ai vivement souhaité
être un homme, je l’avoue.
Toujours et encore. En tout il y avait naturellement aussi des moments, où
on oublie tout ça, car la science est tellement prennante et le travail
était si passionant à l’époque. La matière
était plus importante que le fait d’être un homme ou une
femme. L’important était de savoir si l’on réussissait
quelquechose, si l’on comprenait, si l’on publiait, si on découvrait
quelque chose.
Et lorsqu’on découvre quelque chose, alors on est un chercheur,
alors peu importe qu’on soit un homme ou une femme.
C’est injuste parce que les talents, à mon avis, sont certainement
indépendants du fait que quelqu’un a un désir d’enfant
ou pas, en tout cas le talent scientifique, le don, les qualifications n’ont
rien avoir avec cela et quand on veut vraiment aider les meilleurs il faut naturellement
essayer d’aider autant les femmes qui ont des enfants, que les hommes.
je suis en train de créer une fondation, pour donner aux femmes qui veulent
vraiment faire de la science de l’argent en plus pour les aider, en Allemagne
où c’est spécialement difficile. En France on ne serait
peut- être pas obligé de le faire, mais ici c’est vraiment
difficile, dans beaucoup d’endroits, d’en faire quand on n’a
pas assez d’argent. Et surtout les jeunes femmes qui écrivent leur
thèse ont de petits salaires et ont à peine les moyens de mettre
leur enfant dans une halte-garderie qui coûte pas loin de 300 Euros, et
quand elles rentrent à la maison, après une journée dure,
il faudrait qu’elles fassent d’abord le ménage au lieu de
pouvoir jouer avec leur enfant.
Et ce sont des choses qu’on peut éviter avec de l’argent.
Les femmes qui sont riches, ou qui ont des parents riches, peuvent éventuellement
faire cela, les femmes ordinaires ne peuvent pas. Et c’est en effet injuste.
Voilà pourquoi j’essaie maintenant de mettre quelque chose en route
pour aider spécifiquement ces femmes-là. On leur donne de l’argent
pour qu’elles s’achètent en quelque sorte le temps qu’il
faut pour s’occuper de l’enfant et de la recherche. Ce sont les
vrais métiers et tout le reste doit être fait par quelqu’un
d’autre, à mon avis, par l’homme aussi, mais
l’homme n’aime pas spécialement faire ça. Quand on
demande aux hommes s’ils aiment faire le ménage dans leurs loisirs,
c’est limité.
KATRIN TENT
Mathématicienne
Elle a dit
:
J’ai tout à fait le profil que l’on recherche toujours en
Allemagne.
J’ai eu un Doctorat la première fois à 24 ans, j’ai
été au Canada, ai eu un Doctorat aux Etats-Unis, j’ai passé
encore 2 ans à l’université d’Hébron .
Je suis revenue en Allemagne, j’ai eu un prix d’excellence et j’étais
Professeur à 36 ans, tout dans l’âge normal, et malgré
tout…je n’ai pas encore de poste fixe.
Ce que je remarque à chaque fois que j’ai un entretien d’embauche,
c’est le sentiment, l’impression très forte que les gens
savent que j’ai des enfants.
Et ils ne s’intéressent plus au travail scientifique, mais au contraire,
je remarque toujours à leurs questions qu’ils ont les enfants en
tête, comme si j’étais devant eux avec mes enfants !
Je connais des Professeurs hommes qui ont 5 enfants, et quand je leur ai demandé
si on leur avait posé des questions sur leurs enfants, ils ont tous répondu:
« non, bien sûr que non».
Et mon mari, qui bien sûr a les mêmes enfants, travaille dans le
même milieu, qui a également une bourse Heisenberg n’a pas
non plus été questionné de la sorte. C’est la différence.
En Allemagne la loi ne régit pas la garde des enfants. A partir de 3
ans, les enfants peuvent aller au jardin d’enfants, mais cela n’est
pas possible dans tous les Lands.
le jardin d’enfants ce n’est que le matin, et l’école
aussi. Cela signifie que quand une femme veut travailler dans la science, alors
elle doit s’occuper elle-même de la garde de ses enfants.
bien sûr, c’est possible, mais beaucoup abandonnent face à
ces difficultés, et alors l’image que c’est impossible à
faire s’en trouve renforcée.
un mail reçu de Katrin Tent peu après le tournage :
« Je viens de recevoir l’offre d’un poste de l’université
de Birmingham alors qu’il y avait 120 candidats. Ma situation familiale
n’était pas un problème.
Il est évident que je fais du bon travail et que le reste est d’ordre
privé.
C’est exactement la différence fondamentale avec l’Allemagne
! »
AGNES WOLD ET CHRISTINE WENNERÅS
Microbiologistes
Elle ont dit :
Agnes Wold:
Voilà les dossiers. Voilà les candidatures des
différents candidats qui ont postulé à des postes de chercheur
auxiliaire. Ici, ils écrivent leur programme de
recherche et ce qu’ils voudraient faire
Ici nous avons une liste de publications où nous retrouvons ce qu’ils
ont publié, dans quelles revues… et comme ça, nous avons
examiné tous les programme de recherche des candidats. Et toi, tu as
les feuilles roses…
Christine WENNERÅS:
Voilà les feuilles roses avec leurs notes.
Agnes Wold:
Oui, au début, le Conseil national de la recherche médicale (Medicinska Forskningsrådet, MFR) voulait rendre ces feuilles roses secrètes, puis ils ont dit qu’elles n’existaient pas. Et ça, c’est contre la loi suédoise, le principe de la transparence [offentlighetsprincipen] qui fait partie de la loi sur la liberté qui stipule que tous les documents de l’administration suédoise doivent être ouverts au public.
Christine WENNERÅS:
Oui, c’était pour obtenir ces feuilles roses, qu’il a fallu
se battre et lutter. Elles ont servi de base à l’étude que
nous avons faite.
Agnes Wold:
Cela veut dire que, pour la première fois, quelqu’un a examiné une situation réelle où des experts exprimaient des jugements sur des personnes réelles et qu’on avançait des chiffres en contexte réel
Christine WENNERÅS:
Nous avons découvert trois facteurs essentiels : la productivité
scientifique, le sexe masculin et le piston. Et c’était ces trois
facteurs qui avaient déterminé la distribution des points et si
les candidats avaient reçu un poste au Conseil national de la recherche
médicale.
Nous pouvons dire qu’une femme devrait être en moyenne deux fois
et demi plus productive qu’un homme pour être évaluée
au même niveau qu’un homme.
Agnes Wold:
Cela ne s’était jamais fait avant et jamais après non plus. La raison pour laquelle nous avons réussi à le faire, c’est le principe de transparence, qui n’existe qu’en Suède et en Finlande, pas ailleurs. Ces documents sont toujours secrets dans tous les autres pays.
Christine WENNERÅS:
bien sûr ce qui était très inattendu, c’était
que le sexe dans un pays comme la Suède était aussi important,
c’est-à-dire que le fait d’être un homme soit considéré
comme une compétence et que ça ait une telle importance.
Agnes Wold:
Alors ils ont totalement changé leurs pratiques. Depuis 1997, le CRM distribue l'argent et donne des postes aux hommes et aux femmes de manière non sexiste. Par contre, tous les autres conseils de recherche continuent à fonctionner comme avant. C'est plus facile pour un homme que pour une femme d’obtenir un poste.
Christine WENNERÅS:
Et ça ne nous a pas favorisé dans notre carrière.
Ça non.
Nous n’avons pas de poste à l’Université, ni Agnès,
ni moi-même, et nous n’avons pas de poste de chercheur dans un quelconque
conseil. Ce n’est que grâce à notre métier de médecin,
grâce à notre emploi de médecin que nous pouvons gagner
notre vie et guider des doctorants.
Agnes Wold:
On ne déprime jamais si l'on a un bon camarade de travail,
mais on trouve que la vie est belle. ça donne une liberté. Mais
ce que je trouve révoltant, c'est le fait de nous punir. Mais ça
ne marche pas avec nous. Je m'en fiche de ces gens qui n'ont rien à apporter.
Néanmoins c'est un avertissement donné aux autres femmes : "Regardez
ce qui peut vous arriver si vous essayez de vous rebeller."
SYLVANA VALLERGA
Physicienne
Elle a dit :
Le problème c’est qu'il y a des femmes de grande valeur en océanographie,
mais que si on regarde aux plus hauts niveaux, directions d'institut, postes
académiques de prestige, là, il y a moins de femmes.
En ce qui concerne l'océanographie dans mon pays, je crois que c'est
un des problèmes.
Les problèmes émergent au fur et à mesure que la carrière
progresse.
Tant qu’on fait du travail scientifique, que l’on publie, il n'y
a aucun problème.
Cela change lorsqu’on commence à être impliquée dans
des fonctions de gestion.
C'est très subtil, parce que, bien sûr, il n'y a pas de discrimination
apparente. C'est le plafond ( ) de verre. En fait, on ne le voit pas, mais on
se cogne dedans.
A mon niveau, je l’ai senti quand je me suis arrêtée un moment
pour réfléchir. J'allais avoir cinquante ans, j'avais déjà
beaucoup publié, j'avais été chargée de missions
internationales de grand prestige, mais j'étais pourtant toujours chercheur
de premier niveau.
Parce qu’on ne pense pas tant que ça à la carrière,
c’est le problème des femmes.
Nous ne nous préoccupons pas tellement de carrière, nous nous
occupons de résoudre les problèmes, de faire les choses.
Alors j'ai passé le concours, parce que l’accès se fait
par concours, le concours s'est déroulé… mon CV est assez
étoffé, parce qu’avec l’âge, on a eu le temps
de faire plein de choses.
Résultat du concours : ce sont deux collègues masculins qui passent,
plus âgés que moi, même si moi déjà, je ne
suis pas toute jeune…
Mais, on se connaît tous, dans le milieu. Bien sûr, il était
possible qu’ils aient fait des choses extraordinaires qui soient restées
méconnues... Alors j'ai demandé à voir les documents du
concours, ce que la loi autorise.
Au vu des documents du concours, je me suis aperçue qu’il s’était
passé quelque chose de très bizarre.
J'avais publié trois livres que la commission avait oubliés.
J'étais déléguée nationale depuis dix ans à
la Commission Européenne, déléguée nationale à
l'Unesco, déléguée du CNR à la fondation européenne
…. ( ) déléguée à l’European Global
Observing System, présidente d’un comité intergouvernemental
de l'Unesco…. et mon activité internationale n'était pas
mentionnée !
Alors, j’ai dit, ça ne va pas.
J'ai appelé une amie avocate, et nous avons lancé un recours que
nous avons gagné. Maintenant la décision finale est de la compétence
du Conseil d'Etat, mais le premier jugement nous est favorable.
Je remarque avec plaisir que la personne qui a émis le jugement était
une femme juge, qui a compris exactement ce qui était en train de se
passer. Quand le jugement définitif sera rendu nous serons probablement
tous au paradis, mais quand même, nous aurons gagné la première
manche.
Je me suis donc aperçue que oui, il y a quelque chose… Il arrive
qu’on oublie les titres des femmes, lors des concours.
Et cela, il faut éviter que cela se produise.
ELSA MONTAGNON
Ingénieur Opérations Spatiales
Elle a dit :
C’est probablement le calme avant la tempête
Je suis ingénieur opération spatiale à l’agence européenne,
au centre européen de contrôle de satellite, l’Esoc. Et je
travaille sur la mission Rosetta
j’ai la caméra scientifique de Rosetta sous ma responsabilité
qui s’appelle Osiris, dont j’espère qu’elle va nous
envoyer des images absolument extraordinaires très vite et c’est
un instrument clef sur ce type de mission.
Avoir des équipes à la fois mixtes et européennes, ça
serait pour moi un peu le but en fait. Et je pense que ça apporte énormément
à l’agence d’une manière générale. Je
n’ai pas pu noter un changement dans mon équipe puisque je suis
la première femme donc je sais pas comment c’était avant
moi . Je sais comment c’est après moi et c’est bien, ça
me plait. Et plus on a de femmes qui entrent dans l’équipe je pense
que c’est pas mal en fait, ça apporte effectivement différents
points de vue et donc c’est à suivre je dirais …
Je suis un peu jeune pour pouvoir témoigner de l’existence du fameux
plafond de verre … Puisque je pense que je suis encore loin de l’avoir
atteint … Donc je sais pas, effectivement c’est quelque chose dont
on parle, donc il doit y avoir quelque chose derrière.
RITA SCHULZ
Astrophysicienne
Elle a dit :
Dans mon travail à l’ESA je constate toujours que je suis souvent
la seule femme, ou une parmi deux, et qu’il y a très très
peu de femmes. Je vais à une réunion, et il y a 30 hommes assis,
et moi.
Je pense qu’il est possible d’introduire un quota.
Il faut avoir des quotas, pour augmenter le nombre de femmes.
Puisque en général l’idée domine dans la tête
des personnes qui recrutent et qui sont souvent des hommes : « à
compétences égales, je prends quand même l’homme ».
Et ce ne devrait plus être le cas.
On devrait dire, nous voulons un quota, et à qualifications égales,
c’est la femme qui doit être retenue…
Je pense que les femmes vont encore devoir se battre longtemps jusqu’à
ce qu’elles aient réellement une position en science qui soit reconnue,
qu’il y ait un grand nombre de femmes qui y travaillent et non plus un
petit nombre qui forment une exception et qui peuvent se dire : « j’ai
réussi ».
Moi…personnellement j’ai la chance d’avoir un mari qui a décidé
librement d’endosser le rôle traditionnel de la femme. Cela signifie
que je peux me concentrer sur mon travail…
…en sachant qu’on ne s’occupe pas de mes enfants dans une
garderie, un jardin d’enfants ou à l’école, mais que
quelqu’un est vraiment là à s’occuper d’eux.
Mon mari est aussi astrophysicien, docteur d’état également
en astrophysique et nous avons conclu un arrangement il y a quelques années,
nous avons dit : Celui de nous deux qui le premier obtiendra un poste, le prendra,
et l’autre verra comment maintenir unie la famille. C’est moi qui
la première a obtenu un poste c’est à dire que mon mari
est resté à la maison et que c’est mon mari qui élève
les enfants.
Nous sommes une grande exception, et chaque fois cela provoque des commentaires.
Il y a même des femmes qui disent : « un homme comme celui-là
il n’y en a qu’un, et il est déjà pris! ».
ANNIE CHANTAL LEVASSEUR-REGOURD
Professeur d’Aéronomie
Elle a dit :
Il est certain qu’il y a moins de femmes que d’hommes dans la recherche,
ce n’est pas une surprise. Qu’il y en a moins en physique qu’en
biologie. Et dans les domaines dans lesquels je me trouve plus spécialement,
astro-physique et physique spatiale, il y en a moins encore en physique spatiale
qu’en astro-physique. Mais en fait quand on travaille à longueur
de journée, on oublie la différence, on travaille avec d’autres
êtres humains.
A la fin des années soixante-dix j’avais fait partie des cinq français
sélectionnés pour être astronaute sur Space lab, sur la
navette spatiale et sur les cinq j’avais été le seul rescapé
au niveau européen
Mais il y a encore ce sentiment de se dire comment ça se fait, c’est
curieux
A l’époque on m’as dit que j’étais anormalement
anormale ça fait vingt ans, trente ans, que je me demande ce que veut
dire anormalement anormale !
Il ne faut pas oublier aussi que classiquement, comme nous sommes des femmes,
nous nous investissons plus dans nos responsabilités vis à vis
de nos enfants, et que donc il faut faire un peu de trapèze volant si
je puis dire.et ce qui m’a aidé c’est d’avoir une bonne
santé, je pense pour y arriver.
J’aimerais agir un petit plus… Et bien quelque part je suppose,
parce que remuer et agir ça ne me fait pas trop peur, je suppose que
j’ai l’impression que d’agir pour changer les choses pour
les faire avancer plus vite, c’est encore plus difficile que d’agir
pour comprendre un point précis et néanmoins essentiel de la physique
des comètes. Donc comme je ne m’appelle pas Don Quichotte …
Je préfère continuer dans la physique cométaire.
JULIA HIGGINS
Physicienne
Elle a dit :
Quand je suis devenu professeur ici, j'ai augmenté de trente pour cent
le nombre de professeurs femmes au collège impérial, vous savez!
Je ne me souviens pas que cela ait été un désavantage.
vous avez un avantage, les gens se souviennent de vous. Et c'est un grand advantage
. En revanche, bien sûr, si vous faîtes une erreur les gens aussi
se souviennent.
Donc ça marche dans les deux sens. Mais, en général, c'est
un avantage. Le désavantage est, cela semble pathétique mais la
solitude, je pense que le fait que qu'il n'y ait pas de femmes avec qui parler,
qu'on se sente trop visible. Je veux dire, j'ai tellement l'habitude maintenant
que je n'ai pas de problème à entrer dans une pièce, ce
que je fais régulièrement, assister à une réunion
où il n'y a que des hommes. Ca ne me gène pas. Mais quand vous
commencez votre carrière, cela peut être déconcertant.
MARGARITA SALAS
Biologiste Moléculaire
Elle a dit :
Le problème qui se pose en ce moment pour les femmes scientifiques en
Espagne, est, je dirais, un problème général de manque
de jeunes dans la science.
Le problème c’est que l’Espagne ne consacre que 1% de son
PIB à la science.
En conséquence, les hommes fuient la carrière de chercheur parce
qu’il n’y a pas d’avenir pour eux.
Les hommes en général cherchent une réussite professionnelle,
économique rapide et si la carrière de chercheur ne leur offre
pas cette possibilité à court terme, ils décident de se
consacrer à autre chose.
C’est peut-être la raison pour laquelle le nombre de femmes dans
la recherche est en train de dépasser celui des hommes.
Si cette tendance continue, dans un proche avenir, on aura beaucoup de femmes
en science, ce qui est très bien. Mais ça serait très mauvais
si la science en Espagne était dominée seulement par les femmes.
Je crois qu’’il faudrait trouver le juste milieu et que le nombre
d’hommes qui se consacrent à la science ne devrait pas diminuer
comme il est en train de le faire. avant adaptation
Pour l e problème des femmes dans la science en ce moment en Espagne…
je dirais qu’il y a un problème général des jeunes
dans la science.
Le problème en Espagne est qu’on consacre très peu d’argent
à la science, nous sommes à 1% du PIB,
En partie ça fait que les hommes fuient la carrière de recherche
parce qu’il n’y a pas d’avenir pour eux. Les hommes en général,
cherchent à réussir rapidement économiquement et si la
carrière de recherche ne leur donne pas cette possibilité rapidement,
ils décident de se consacrer à autre chose.
Et peut-être que ceci est la raison qui fait que le nombre de femmes dans
la recherche est en train de dépasser le nombre d’hommes.
Si cette tendance continue en Espagne, dans un avenir pas très lointain
on aura beaucoup de femmes en science, ce qui est très bien. Mais ça
serait très mauvais si la science en Espagne était dominée
seulement par les femmes. Je crois que dans le juste milieu se trouve la vertu,
se trouve le bon, c’est-à-dire que je crois que le nombre d’hommes
qui se consacrent à la science ne devrait pas diminuer comme il est en
train de le faire.
GENEVIÈVE ALMOUZNI
Biologiste
Elle a dit :
C’est vrai qu’il y a un constat sur les chiffres et les faits qui
va dans le sens qu’effectivement la représentation des femmes n’est
pas nécessairement avec une parité, en tous cas pas à tous
les niveaux. Mais j’ai pas envie d’être considérée
comme une espèce à protéger donc ça, ça me
déplaît.
J’ai l’impression qu’on est quand même plus femmes qu’hommes
dans l’unité en général. Donc, c’est pas volontaire
du tout. Alors soit c’est parce que actuellement les hommes se désintéressent
de la science, donc y a peut-être pas assez d’argent, donc il y
a peut-être un biais dans ce sens, quand c’est délaissé
par les hommes, les femmes peuvent trouver leur chance, c’est peut-être
pas très sympa de dire ça mais c’est peut-être une
vérité malgré tout.
Pour moi mon travail fait partie de ma vie, donc je pense que je serais extrêmement
pénible si je ne me faisais pas plaisir au niveau professionnel. Donc
c’était impossible de faire autrement, je crois que mon mari aurait
dû choisir quelqu’un d’autre, si ce n’était pas
possible pour lui de le vivre avec moi… Donc c’est vrai que de temps
en temps, il trouve que j’en fais trop, mais bon c’est aussi une
sonnette d’alarme, ça me fait du bien de me reposer, voilà.
Je le prends comme ça plutôt qu’autrement
Il y a aussi des changements qui doivent se mettre en place petit à petit.
Et je crois que c’est déjà vrai même à l’école…
D’ailleurs ça m’amusait beaucoup quand mon fils était
à l’école primaire et qu' il apprenait à lire en
lisant « maman fait le repassage et papa lit le journal». Il me
disait : « ah ! mais c’est marrant ! c’est pas comme ça
à la maison, c’est papa qui repasse !!! ».
Et donc c’est vrai… Il repasse d’ailleurs très bien
!!!beaucoup mieux que moi !…
Donc c’est vrai que la distribution des tâches, elle apparaît comme ça, en filigrane, déjà dans ce que l’on apprend à l’école primaire, alors pour se débarrasser de tout ça, c’est peut-être pas si facile !
Nicole Dewandre
Directeur général auprès de la Commission Européenne
Physicienne
Elle a dit :
J’ai été fort frappée par des histoires de Marie
Curie et Pierre Curie par exemple, où on pense que puisqu’on a
reconnu Marie Curie, il suffisait qu’elle soit excellente, mais en fait
pas du tout. S’il n’y avait pas eu le regard de Pierre Curie sur
elle, sur son travail et si Pierre n’avait pas passé son temps
à dire qu’elle n’était pas juste son assistante mais
qu’elle était une collaboratrice, on n’entendrait pas parler
de Marie Curie, sauf dans les thèses féministes.
Donc on doit admettre que la reconnaissance de l’excellence est vraiment
une rencontre entre une compétence et une réalisation bien sûr,
mais aussi avec un regard qui est prêt à reconnaître comme
excellente une réalisation. Et c’est ça dont les femmes
souffrent beaucoup, c’est que le regard que l’on porte sur leur
travail est terriblement exigeant, beaucoup plus qu’il ne l’est
quand il s’agit du travail des hommes, à mon opinion.
Personne ne dira jamais : « je ne vais pas être choisi parce que
je suis belge, ou parce que je suis français. » Parce qu’on
se dit qu’on peut être de la bonne nationalité, et compétent.
Donc quand une femme : « Je ne vais pas être choisie parce que je
suis une femme », c’est parce qu’elle internalise qu’on
peut pas être femme et compétente.
et ça c’est très grave… Tandis que si on dit : «
je veux bien être choisie parce que je suis une femme » ; à
ce moment-là, il y a aucune de ces qualités qui s’en va.
On reste exactement qui on est, simplement la personne en face ne peut plus
vous faire danser sur son petit doigt, c’est le rapport de pouvoir qui
change, entre la personne qui est évaluée et celle qui juge…
Et donc moi je dis : il faut dire « choisissez-moi parce que je suis une
femme. Et pour le reste aussi. » Y a pas de honte à ça.
ADRIANA MAGGI
Biotechnologiste & pharmacologiste
Elle a dit :
A Atlanta j'étais présidente d'une conférence, la plus
importante pour nous dans notre domaine... C'est une conférence qui a
lieu tous les deux ans, sur les acides nucléiques.
C'est important, surtout pour une femme, je crois. Parce qu’une femme
peut probablement mieux apprécier l'importance des hormones, l'importance
qu'elles peuvent avoir. Comment dire … Je crois... qu’une femme
s'identifie davantage à ce type de recherche. Au fond, c'est une recherche
sur le vieillissement. Mais il s'agit d’un vieillissement sexué,
le vieillissement de la femme, qui est très différent du vieillissement
de l'homme. Etant moi-même une femme qui vieillit, évidemment je
m'identifie beaucoup à la recherche que je fais. Donc c'est un plaisir
pour moi de chercher à comprendre, et de chercher à aider bien
sûr, les autres femmes qui vieillissent comme moi.
Je suis là où je voulais être. C'est à dire, je suis
au point où je peux suivre exactement ce que fait l’oestrogène
et où il arrive. Et je peux le voir in vivo.
Et donc, j’ai le modèle idéal pour comprendre les effets
des oestrogènes à tous les niveaux.
Ce qui m'intéresse, c'est l'éffet de l’oestrogène,
du manque d’oestrogène à la ménopause.
Donc comprendre si, en vérité, il faut donner l'hormone, ou bien
autre chose aux femmes ménopausées, et qui le restent pendant
tant d’années, un tiers de leur vie. Donc c'est important de comprendre
ce que font ces hormones.
C'est un terrain de recherche qui, dans le passé, étrangement…
plus maintenant, mais dans le passé, n'attirait pas les femmes. Il était
donc entièrement entre les mains des hommes. En conséquence, ils
avaient leur vision à eux.
Je crois que mon apport est, par contre, un apport au féminin.
Moi, déjà, j'étais intéressée plus par la
physiologie. "Que fait cette hormone dans le corps ? Comment le corps réagit-il
en présence de cette hormone ? Que se passe-t-il ?"...
Quand, eux, s’intéressaient davantage à l’aspect moléculaire
: "Là, l'hormone arrive, se lie au récepteur, elle active
la transcription de certains gènes, comment elle l’active : il
y a des coactivateurs, il y a d’autres facteurs qui aident le récepteur"
…
Je dois dire que c’est curieux comme le succès aide ! Parce qu'au
début, mon dévouement ne donnait effectivement pas de résultats.
C'est la vérité.
Mon mari pensait que mon engagement dans ce que je faisais était exagéré,
c'est à dire, qu'il n'y avait pas de juste retour par rapport au temps
que je donnais. Là-dessus, il avait raison, moi aussi, j'ai eu quelques
doutes.
Par contre, maintenant qu’il comprend le retour, qu’il le voit parce
qu’il est tangible, alors je pense que lui aussi est très heureux
pour moi et donc, il me soutient.
LUCIA REINING
Physicienne
Elle a dit :
Je pense que ce serait un effort isolé de simplement dire : augmentez
le nombre de femmes dans les sciences, je ne pense pas que ça serve à
grand-chose, ça ne doit pas être un effort isolé. Ça
peut -être une chose parmi d’autres et on ne peut pas en même
temps dire : je veux augmenter le nombre de femmes dans les sciences et laisser
empirer tout ce qui est la structure de la société, pousser à
la privatisation, pousser aux emplois précaires et tout ça. c’est
complètement hypocrite, ça je conteste.
Je pense qu’il faut être extrêmement tenace pour être
un scientifique. C’est-à-dire, il faut se concentrer sur un problème,
il faut absolument vouloir le résoudre et je pense qu’il faut être
prêt à plein de sacrifices pour y arriver. Il faut vraiment insister.
On ne pas dire, je commence à neuf heures du matin, je termine à
cinq heures de l’après-midi, je vais à la maison je fais
autre chose, après je reviens le matin à neuf heures ! Il faut
vraiment vouloir résoudre un problème.
Ce matin j’ai déjà travaillé parce que normalement
la nuit je réfléchis, et puis quand je me réveille j’ai
toujours des choses à approfondir. Et donc pendant que je prends le café
le matin je me fait des notes.
Ha, si vous voulez faire un vrai documentaire, je pense qu’il faut aussi
filmer mon mari en train de faire les pâtes à midi, hein !
Hervé Nisic : Oui d’accord.
Lucia Reining :
Je pense que c’est essentiel. Moi, j’y tiens beaucoup. Je pense
qu’il faut quand même donner un message aussi aux hommes hein !
on ne peut pas séparer les deux questions. Et là à mon
goût, la question actuellement s’est trop focalisée sur les
femmes. Parce qu’il y a les devoirs des hommes qui sont souvent pas réalisés
et puis il y a aussi le problème des hommes qui font le choix comme mon
mari de participer à la maison et c’est quelque chose d’absolument
pas reconnu.
Alors quand moi je dis que je fais un travail scientifique avec trois enfants
et tout ça, tout le monde dit : Ha, comment vous faîtes ? c’est
formidable ! d’accord ! Et personne ne dit ça à mon mari.
Ce n’est pas juste, n’est-ce pas !
J’ai une approche personnellement peut-être un peu différente
de beaucoup de collègues qui sont en majorité des hommes, mais
je ne peux pas dire parce que c’est parce que ce sont des hommes ou simplement
parce que chacun a son approche personnelle. Je ne pense pas qu’il y ait
des différences dans le choix des applications par exemple. Je ne pense
pas qu’on peut dire : les femmes vont plutôt travailler sur des
applications militaires et les hommes non, ou des bêtises comme ça.
Non, je ne pense pas, non.
Il faut absolument travailler de façon plus concentrée et plus
efficace, on n’a pas de marge.
Je ne mange pas à midi normalement, je n’ai pas le droit d’être
malade, je n’ai pas de marge.
À la maison il y a rarement un équilibre entre homme et femme,
comme il y a chez moi à la maison heureusement.
Et c'est là où les femmes commencent à renoncer à
certaines choses qui après leur manquent dans leur carrière. Je
suis convaincue de ça. Je ne pense pas que c'est le méchant CNRS
qui ne fait pas la promotion des femmes.
J’ai rencontré beaucoup de jeunes femmes qui m’ont dit quand
elles m’ont rencontrée aux conférences ou pour des occasions
scientifiques que je leur donne du courage, parce que je montre d’une
certaine façon qu’on peut avoir une carrière scientifique
et une vie de famille heureuse et ne pas être déprimé du
matin au soir.
Ça me fait toujours très plaisir. Ca m’est arrivé
plusieurs fois et qu’elles me prennent un peu comme exemple et je pense,
l’exemple, c’est quelque chose d’important. Et c’est
peut-être là où ça devient quand même intéressant
de dire, de façon plus ou moins artificielelqu' il faut quand même
des femmes dans les positions clés parce que ça sert aussi d’exemple,
ça, ça peut tirer vers le haut.
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