TéléObs
l'article de
Fabien Gruhier
Un immense gâchis
A des décennies de distance, lAllemande Christiane Nüsslein-Volhard
(prix Nobel de médecine en 1995) en est encore révoltée
: lorsquelle avait décroché son premier poste de chercheuse,
son obscur chef de service ne lui avait pas caché son mépris
pour les femmes scientifiques. Il pensait quelles nétaient
pas à leur place, pour la péremptoire raison qu «
on navait jamais vu dEinstein au féminin » . Sans
doute se prenait-il lui-même pour Einstein ? Charitable, il concédait
aux femmes d « autres talents » . « Lesquels ? »,
lui avait demandé à lépoque la future prix Nobel
déjà irascible. « Euh
la poterie par exemple »,
avait répondu le macho imbécile.
Aujourdhui, heureusement, on nen est plus tout à fait là.
En Europe, les femmes occupent un peu moins de 30 % des postes de chercheurs.
Mais elles sont très inégalement réparties dans les diverses
disciplines, beaucoup plus présentes, par exemple, en biologie quen
astrophysique. Et, surtout, elles ont la plus grande peine à sélever
dans les hiérarchies.
Quelques-unes pourtant sont parvenues à se hisser aux sommets de leurs
spécialités, comme lEstonienne Ene Ergma, lItalienne
Silvana Vallerga, les Allemandes Rita Schultz ou Lucia Reining. Du haut de
leur réussite plusieurs ont dû sexpatrier ,
toutes témoignent ici, dans le documentaire « Femmes de tête
» (à 21h50) . Pour dire leur écurement devant les
concours truqués, le chauvinisme mâle, et surtout limmense
gâchis de talents quentraîne cette ségrégation.
Mais puisquelle manque de plus en plus de vocations, peut-être
la science finira-t-elle par faire leur juste place aux femmes?
Fabien Gruhier