LE DISPOSITIF DU FILM

Ce film accompagne le travail de Julia Kristeva

pour l'exposition "Visions capitales"au Musée du Louvre

 

Partis pris:

Parti pris sur le "parti pris", le film se propose d'être un regard sur la liberté d'une vision de l'art ou de l'histoire de l'art suscitée par le dispositif original mis en place par Régis Michel et Françoise Viatte au Département des Arts Graphiques du Louvre.

Julia Kristeva a choisi ici de donner une interprétation de la violence à travers la figure symbolique de la décollation.

Le dispositif filmique :

Le parti pris du film est de séparer la parole de Julia Kristeva de son visage, pour la rapprocher de son objet. Lorsqu'on l'entend on ne la voit pas, moyen d'organiser une résonance du propos, de mettre en scène une relecture de sa parole. Le film organise la confrontation de la vision de Julia Kristeva à la matérialité des oeuvres de l'exposition, par une série d'entretiens articulés autour des dessins et de points clés du texte. Ainsi trois niveaux de discours se conjuguent : le niveau du texte, la parole de Julia Kristeva, le discours du film lui-même.

Les entretiens seront organisés autour de questions soulevées présentées de manière à susciter une parole vivante, comme par exemple:

"que coupe-t-on à une femme ?"

"la joie de la représentation indissociable du sacrifice ?"

"l'image capte la frayeur, l'apaise et la restitue à l'ordre symbolique"

"j'étais habitée par une femme décapitée"

"l'icône oriente le visible vers une pensée de la chair qui engendre et meurt"

"il est indispensable qu'il intègre à la fois l'engendrement et le vide"

"le fond de l'horreur, ça ne se voit pas, ça s'entend"

"c'est la mère qu'on vise à la tête, c'est la vision capitale"

"ces figurations pourraient être regardées comme une résistance intime à la "démocratie" de la guillotine"

"le spectacle s'efface, revient l'entaille de la douleur, le trait"  

 

Un travail spécifique sur la bande son permet une identification de ces différents niveaux par le spectateur, ainsi que, sans tomber dans le piège du mimétisme avec les dessins, de créer un univers sonore propice à un élargissement de l'interprétation des oeuvres.  

Le cheminement :

Ce qui frappe dans le dispositif prévu pour l'exposition, c'est le souhait de placer les oeuvres exposées dans une perspective quasi anthropologique par la référence faite aux cultes des crânes totémiques en particulier celtes, et l'inscription de la question des têtes décollées du corps dans l'économie générale de l'image telle qu'elle s'est constituée pour la civilisation judéo-chrétienne autour du débat sur les icônes byzantines.

Ce qui apparaît aussi, c'est qu'en désignant le dessin comme l'instrument privilégié de l'inscription de l'invisible dans le visible (entre engendrement et vide), Julia Kristeva articule un récit qui conduit de l'icône au visage en passant par la figure vue comme une prophétie en acte.

Ce chemin mène de la Sainte Face de Laon et des représentations de la Véronique reliées à la décollation par la tête de Méduse, aux figures de Jean Baptiste, particulièrement extatiques chez Solario (sadomasochisme sublime ?). De Salomé (la divine castratrice) à Judith la justicière, se dessine une représentation de la femme castratrice, coupeuse de tête qui effraie les hommes. Julia Kristeva le montre particulièrement dans toute la série des dessins consacrés à Judith et Holopherne. La figure d'Artémisia Gentileschi s'impose, emblématique et insistante, femme violée et peintre de la décollation. Le chemin mène au visage avec Diderot (le visage qui s'agite et se meut se ternit selon la multitude infinie des alternatives) et particulièrement chez Picasso à la coupure, au dessin tranchant (surrection virile) dont Julia Kristeva montre qu'il s'accompagne chez lui d'un intérêt méconnu pour les scènes de décollation.

L'image de la décollation, vision de l'horreur rachetée par l'art est aussi une image politique, de Judith à la guillotine. "car si l'art est une transfiguration, il a des conséquences politiques" dit Julia Kristeva.

 

 

 

 

 

 

retour au sommaire du dossier

suite du dossier

DÉBUT DE LA PAGE