Le monde télévision
Muzzik
Personne
Le titre est inspiré de Fernando Pessoa. Personne est une uvre déroutante, qui crispe mais qui fascine aussi. En une heure et demie, Hervé Nisic filme la fabrique de mots poétiques opérée par un assemblage dordinateurs, dont les programmes ont été conçus par le poète Jean-Pierre Balpe, à lIRCAM. Partant de lécriture- la vraie, serait-on tenté de dire, celle de Borges ou de Philip K. Dick, les premiers à évoquer un livre inachevé ou un roman créé par artefact- Hervé Nisic suit les travaux quun trio de poètes (Balpe, Henri Deluy et Joseph Guglielmi) suggère à lordinateur, ce " poète aveugle ", à partir de thèmes et de structures quils ont sélectionnés. Un compositeur, Jacopo Baboni-Schilingi, épaulé par une cantatrice, met en musique ces " poèmes ordinatiques ". Les concerts qui en résultent sont à chaque fois inédits, la machine produisant des variations infinies à partir dun seul thème programmé.
La démonstration deviendrait vite fastidieuse, sil ny avait les questions quelle pose et que Nisic illustre joliment, via le Yi-King notamment et une flopée dimages où leau est lélément primordial, sur la primauté du sens, sur la créativité, sur linspiration ou la technique (vieux débat auquel lordinateur-poète, " machine stupide dont le bon hasard est dû au fait quil a été bien programmé ", donne un sel particulier), sur lego des auteurs et sur la survivance de leur uvre. Expérimental mais si proche, lordinateur-écrivain renvoie surtout à linjonction du Gilles Deleuze : " Méfiez-vous des rêves des autres, si vous êtes pris dans le rêve dun autre, vous êtes foutu ! " CQFD.
Yves-Marie Labé.