ATTAQUE NUIT A Pierre Friloux et Francoise Gédanken.

Resurgit le malaise profond que j'éprouve devant le spectacle de la mort proposé par les médias. La guerre se vend bien et les journaux écrits ou électroniques ne se lassent pas de nous en démontrer l'atrocité avec complaisance. Une tête éclatée en exclusivité fait monter le tirage. Puis bientôt le fait dans son horreur crue ne suffit plus. Il faut alors mettre en scène la guerre. La photographie, qui se met volontiers au service de la publicité, se fait un devoir, par le cadre, l'angle de vue, l'éclairage, de nous faire participer à l'événement.

Ce "comme si vous y étiez" me révulse. Je n'arrive pas à être sensible à l'héroïsme de ces reporters qui, cela est parfois vrai, "rapportent ces images au péril de leur vie". Ces morts que l'on montre me touchent profondément à chaque vision. Et ce n'est pas une horreur de la guerre que l'on nous présente comme lointaine et exotique qui me prend, mais une compassion pour cet homme ou cette femme précis qui a été atteint. Je sens la froideur de ce cadavre, résidu dérisoire d'un être humain que j'aurais pu connaître.

C'est pour cette raison que "Attaque nuit" ne montre pas de cadavre, de scène héroïque, mais vise à travers une transposition électronique de la violence à faire sentir la fascination qu'elle peut exercer. Les feux d'artifice et les batailles sont également le théâtre de jeux de bombes et de fusées, l'odeur de poudre qui s'en dégage est la même. L'attaque dans la nuit, sommet de la tactique guerrière depuis toujours, produit ce mélange de l'attente, du noir et de la mort, attente distraite un instant peut-être par la beauté intrinsèque des éclairs dans l'obscurité. Lumière et mort, spectacle du danger que l'on doit opposer à la mise en spectacle de la guerre qui nous est présentée entre deux tranches de publicité sur les mêmes écrans.
La violence des déflagrations électroniques suffit à assouvir mon appétit de mouvement et de sensations fortes. Je laisse à d'autres le soin, s'ils en éprouvent la nécessité de faire jouir dans les repas télévisés de la détresse d'une autre partie de l'humanité.

Hervé Nisic Paris 1982

 

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