HERVE NISIC ART VIDEO

A PROPOS DE L'AMOUR DU REGARD

Au delà du réel, il y a quoi ?

Hervé Nisic fait partie de ces gens, qui travaillent dans l'ombre à chercher la lumière. Il arrive parfois qu’il la caresse, la touche même, puis il s'en éloigne. Respect ? pudeur ? peur ? Il effleure. J'ai envie de dire qu'il est, entre le "naître" et le "disparaître", entre le "voir" et le "non-voir", le "dit" et le non-dit", le "visible" et "l'invisible".

Il y a ce lieu commun qui dit : “lire entre les lignes”. Avec lui, c'est ça, il faut lire entre les 625 lignes d'un écran de télévision et plus encore, entre les fils qui relient les électrons entre eux, donc : lire entre les images car c'est là que tout peut arriver, c'est là que tout est possible. C'est là dans cet entre-deux, qu'il joue avec le réel et l'irréel, l'inconscient et le conscient.

La première fois que j'ai vu, "L'amour du regard", je n'ai pas aimé parce que je n'ai rien compris. Il ne se passait rien pendant 10 minutes. Pas d'histoire, pas d'action. Seulement un grand vide. Hélas, le vide était en moi. C'est en montrant cette bande à Skopje en Macédoine (ex-Yougoslavie) un an après, qu'en voyant les regards des spectateurs, silencieux, attentifs et émus que j'ai soudain senti la force de son contenu : l'invisibilité.

Toute la violence de ce travail était dans le silence. La passion du regard de l'actrice vivait dans un au-delà que je ne pouvais saisir. La poésie était dans la lenteur du temps qui écoulait ses fragments de mémoires, ses traces.

Je venais d'un pays où la parole est torrentielle, où les images sont cascades et je découvrais cette bande vidéo avec des gens qui ont choisi de se taire, qui ont choisi d'être responsables du regard de l'autre dont parle Emmanuel Lévinas, plutôt que la parole…

Beaucoup d'entre eux se reconnaissaient dans cette bande vidéo de l' Amour du regard, car elle défiait les lois de la visibilité. Il fallait lire avec le cerveau du cœur et non pas avec le cerveau-tête, que l'invisibilité traitée en pleine page, était la force en chacun de nous tous, qui nous permet de traverser sans le moindre danger, sans la moindre inquiétude, le mur de la mort. Notre propre mort. Et la marge n'était pas vide, elle était pleine du temps qui passe.

Si les thèmes chez Hervé Nisic comme l'incommunicabilité, la relation entre un homme et une femme (et la solitude souvent de ces deux êtres) sont les réflexions qui le préoccupent en majeure partie dans son travail, c'est d'amour qu'il veut nous montrer et non pas nous parler. Avec lenteur et douceur le plus souvent, il joue sur l'effacement et la fusion entre les images, entre les corps, entre les objets, entre les matières.

Artiste ? expérimentateur ? investigateur ? peut-être tout cela à la fois. Je ne sais pas si un titre lui convient en particulier . Je pense qu'il fait partie de ceux qui disent, comme le peintre Zlotykamien : "on est jamais certain d'avoir raison dans ce que l'on fait" et qu'il ne cessera comme bien d'autres avant lui, de se poser la question de : Au delà du réel, il y a quoi ?

Jean-Marie Duhard

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

remise � zero le 29 mai 2004 � 7 h
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