remise à zero le 29 mai 2004 à 7 h
Si la musique a trouvé dans la vidéo un partenaire
chéri, c'est
que l'image vidéographique c'est déjà du temps. Nam June
Paik
insiste depuis longtemps: la vidéo ce n'est pas de l'espace mais du
temps. De son côté, le vidéaste Hervé Nisic dit
que «fixer» le monde
en vidéo, cela veut dire faire vibrer. Faire vibrer le monde en images
mais aussi faire vibrer le spectateur. L'image vidéographique n'est
en réalité qu'une presque-image; une construction continue (Gestaltung
plus que Gestalt) qui demande un effort perceptif. La raison nous
dit que la forme est dans les objets, et que leur configuration est
reproductible, mais un sentiment vague nous dit qu'ils sont colorés
et ainsi aussi fuyants et insaisissables que la forme du corps
hystérique. L'image vidéographique bouleverse l'histoire et
la
logique de la représentation. Devant elle, les yeux sont exposés
à
des milliards de micro-changements d'intensité lumineuse, à
la
vibration constante de la texture tramée, à une luminosité
qui
émerge de l'intérieur du tube cathodique de telle sorte que
les
pulsations, enregistrées par l'appareil physiologique et psychique,
ne suscitent plus tout à fait le réflexe habituel de reconnaissance
des formes
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. Comme un flot de forces plus que de formes, le flux
des informations visuelles traverse l'appareil perceptif sans
nécessairement subir une fixation schématique occasionnée
par les
réflexes habituels de reconnaissance. L'identité globale de
l'objet
laisse place à une série de micro-identifications, locales et
instables.
Ainsi, l'information ne se mesure sans doute plus, ou pas toute,
sémantiquement mais affectivement, ... pragmatiquement.
Extrait de : La force des formes.Vidéo et télévision
De René PAYANT paru dans Etudes Françaises 22,3
1987 Canada
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