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ENTRETIEN AVEC HERVÉ NISIC

A PROPOS DE LA HAUTEUR DU SILENCE

Strasbourg, le ler septembre 1995

© Propos recueillis par Georges Heck

Qu'est-ce qui vous a amené à réaliser ce film après tant d'autres réalisés sur Sarajevo?

Cela vient de ma propre incapacité à filmer. La première fois que je suis allé à Sarajevo pendant la guerre, en mission pour l'association "Sarajevo capitale culturelle", on parlait avec des artistes, des politiques, on livrait quelques colis importants. J'avais pris une caméra vidéo, pour faire un travail sur Sarajevo dans l'improvisation, type de travail que je fais souvent. Mais là, une sorte de sentiment de honte m'avais gagné. J'avais la caméra avec moi tous les jours, tout le temps, ce qui est une contrainte énorme. Je me baladais avec cette chose qui pesait lourdement, et à chaque fois que j'avais la tentation de la sortir, je sentais les regards sur moi, je sentais qu'on allait me classer dans la catégorie de ceux qui viennent à Sarajevo pour faire un film, faire leur petit numéro, voler quelque chose, leur voler jusqu'à l'image de leur malheur. Je n'avais vraiment pas envie de ça.

Je suis donc revenu bredouille du point de vue de la vidéo, mais riche de cette interrogation : pourquoi quelqu'un qui fait de la vidéo depuis quinze ans et dont c'est le métier, se révèle incapable de tourner, alors qu'il est entouré de gens qui filment dans tous les sens et d'images qu'on voit à la télévision, partout ? Evidemment c'est parce que l'anticipe, parce que je me dis qu'un film ne se fait pas comme ça, que c'est une construction. Et je n'avais pas envie de construire, de faire mon petit travail d'artiste, pendant que les autres se posaient des questions. Ca me semblait être une démarche égoïste. A certains moments, il y a des hiérarchies, et la nécessité d'aider des gens dans le besoin doit dépasser les besoins qu'on a soi même.

Je me suis rendu compte que ce que j'avais perçu là était peut- être quelque chose que les gens ne disaient pas assez. A Sarajevo il y a un regard sur l'extérieur, sur les gens qui y vont, mais ce regard nous passe à travers le corps, ce regard ne nous est pas adressé à nous en tant que personne, mais à notre gouvernement, à tout l'Occident d'une certaine façon. Je me suis dit que ce regard là, par contre, on ne le connaissait pas, et que si on le connaissait, on ressentirait quelque chose de différent vis à vis de la Bosnie. Ne pas être en pitié, ne pas être même dans la compassion, mais essayer d'être dans une position où les Bosniaques sont reconnus comme les autres avec leur propre solidité, leur propre cohérence et ne pas les enfermer dans un statut de victimes, de gens qui sont dans la douleur, parce qu'à force de montrer des gens comme victimes, on s'habitue à ce qu'ils le soient, on le trouve normal. C'est comme trouver normal que les petits noirs en Afrique crèvent de faim. A la limite, s'il y en a un qui ne crève pas de faim, qui est un peu gros et bien habillé, on le soupçonne d'avoir fait quelque chose de pas très normal parce qu'il n'est pas dans cette norme qui est d'être maigre, de souffrir, d'avoir le ventre ballonné et les mouches qui tournent autour. En Bosnie, la norme médiatique est d'être en larmes, d'avoir perdu son père ou sa mère, d'avoir une jambe en moins, sa maison éventrée, etc. J'avais envie de montrer que ce n'est pas uniquement ça. Parce que même s'il y a des bombardements, même s'il y a des gens qui meurent, même si ce qui se passe est monstrueux, même si Sarajevo est certainement l'une des villes où l'on a le plus conscience de l'absurde, malgré tout ça, cette ville (Sarajevo est dans ce cas un symbole de toute la Bosnie) est habitée par des gens qui nous sont proches, qui nous ressemblent, qui ont une dignité, une conscience politique et morale très très forte. C'est peut-être ça la vraie raison pour laquelle il faut vivre... donc j'ai décidé de faire ce film sur ce regard que portent les gens de Sarajevo sur nous. - Regard qui se porte sur nous, et qui n'est pas forcément porteur d'un contenu explicite mais plutôt implicite. L' important est ce regard posé sur nous.

Qu'est-ce qui peut se passer avec ce sentiment d'être regardé? Est-ce que le but est de seulement provoquer une culpabilité là où les gens disent que ce n'est pas nous qui avons quelques responsabilités sur ce qui ne se passe pas, on ne peut rien, c'est le gouvernement, les autorités. Ce regard nous est un peu jeté à la figure si j'ose dire..? -

C'est vrai que c'est un film placé sous le statut de l'ambiguité puisque justement il propose comme terrain de communication un lieu qui est propre à toutes les interprétations. Plus qu'ambigü même, parce que c'est le silence. Je n'ai pas du tout l'intention de proposer au spectateur de se flageller et de nourrir un sentiment de culpabilité. Ca peut se produire, je ne l'évacue pas, mais je pense que le film est plus ouvert que ça et propose à chacun d'entre nous une occasion de se mesurer dans une épreuve du regard de ces gens de Sarajevo, à sa propre analyse de ce que représente la crise de la Bosnie, aux enjeux qui sont là-bas. Il y a une possibilité de réexamen qui est donnée à chacun d'entre nous, entre quatre yeux, dans une sorte de domaine réservé qu'est cette relation au regard en face de nous, relation presque de l'ordre du confessionnal, très privée, privilégiée, et comme il n'y a pas de discours, on a l'impression de réévaluer soi-même sa connaissance de la situation bosniaque et sa propre position. Que certains ressentent de la culpabilité, c'est tout à fait possible. Mais ceux qui ont été actifs ou ont eu une position de sympathie pour les Bosniaques ne vont pas se sentir coupables. lis vont peut-être se sentir encouragés rétrospectivement à les avoir aidés parce qu'ils voient à qui c'était adressé. Il n'y a pas volonté de culpabiliser, mais peut-être volonté de mettre chacun au pied du mur de sa propre action et de son propre jugement.

- Cette notion de responsabilité est plus pertinente de ce point de vue-là que la culpabilité.

- En effet, c'est un film qui ne peut pas gommer une certaine fonction militante au sens où j'espère secrètement (là c'est la mégalomanie propre à chaque créateur) que l'¦uvre va être lue d'une certaine manière. J'espère que ça va inciter un certain nombre de gens qui n'auraient pas jusqu'à présent voulu ou pu faire quelque chose, à modifier ou à faire plus. Mieux prendre en considération l'aspect humain de ces questions qui sont pour le moment politiques, où s'agitent des idées dont la complexité apparente fait qu'on peut s'en décharger en se disant que ce sont des choses qui nous dépassent, qu'il se passe là-bas des choses barbares, incompréhensibles pour nous et qui ne nous concernent pas. J'aimerais beaucoup que ce film contribue à sa manière insidieuse et ambigüe (je tiens à cette ambiguité) à faire prendre conscience aux gens de la proximité des Bosniaques parce qu'ils nous ressemblent, parce qu'ils sont des êtres humains et que cette proximité nous renvoie peut-être à ce qui se passe chez nous.

- Et le parti-pris de ce tête à tête silencieux, est-ce que ça renvoie aux autres films et contributions qui ne sont pas critiquables en soi, mais où la parole avait une grande place, celle des gens eux-mêmes comme celle des autres sur eux?

- C'est un film qui existe en 1995, quatrième année du conflit, mais c'est aussi la quatrième année des images autour de ce conflit. Il y a maintenant autour de ces images et messages un phénomène d'accumulation et un besoin de trier. C'est un film qui veut dire qu'on a beaucoup montré, beaucoup dit et que ces images se heurtent maintenant à une réalité qui les contredit un peu. La réalité de la situation de la Bosnie maintenant, c'est finalement la défaite des mots, des promesses, des déclarations, des témoignages, la défaite de tout ce qui a été fait non pour sensibiliser les gens mais faire en sorte que cette situation change. Et c'est là pour moi que se place l'enjeu, c'est à dire que je ne suis pas dans un travail de sensibilisation. Je pense que ce que l'on ressent quand on va à Sarajevo, c'est cet éc¦urement, cette sensation que ressentent tous les gens de Sarajevo de l'inutilité, la futilité de tout ce qui pourrait être rajouté, de toute parole ou geste supplémentaire qui ne soit pas radical, celui qu'ils ont envie de voir et qui est l'armée arrivant et venant les sauver. En dehors de ça, tout pour eux est vain, inutile et peut-être même insultant. Les habitants de Sarajevo en ont assez de raconter leur histoire, assez d'entendre nos vaines paroles. Le seul terrain où il y a encore une communication, c'est le silence.

- Ce film est comme la suite de tous les autres où les personnes ont parlé, et maintenant, se taisent. Les films qui abordent des tabous sont souvent un témoignage verbal aboutissant sur un silence sans faux-fuyants.

- Oui, c'est un film très contextuel, qui ne marche que parce qu'il y a un contexte. Le contexte du film est instauré dès le départ historiquement et aussi par les images de la ville qu'on montre. Evidemment en dehors de toutes connaissances concernant le problème de la Bosnie, il n'aurait pas du tout le même sens. Ce serait une sorte de curiosité humaine, peut-être même un petit jeu gratuit, formel : est-ce qu'on peut soutenir le regard de quelqu'un ?

- La différence est importante avec le catalogue des "Portraits d'humanité" de Lobstein.

- Oui, j'aime beaucoup la démarche de Pierre Lobstein à laquelle j'ai contribué en tant que producteur, mais là on est clairement dans une perpective différente parce que s'il y a une chose qui est à craindre dans une démarche de ce type à propos de la Bosnie, c'est bien la peur du fichage. Là justement, on n'en veut pas, même le nom de chaque personnage qui n'est pas mis après chacun des visages est volontairement décalé et reporté à la fin du film afin qu'on ne puisse à aucun moment être pris dans cette logique. Par contre, on est dans la logique du symbolique, chaque personne est là en tant que telle et avec la présence la plus forte possible, si ça peut avoir un sens puisqu'on est tellement médiatisé (On est passé par la pellicule et on revient sur un moniteur, il y a une distance énorme. Une autre différence, fondamentale, c'est la durée. Dans "La Hauteur du Silence", chaque visage est devant nous d'une manière tellement insistante qu'il n'y pas d'échappatoire possible, on ne peut éviter d'avoir à soutenir son regard. C'est la durée même des plans (naturellement associée au cadrage en gros plan), qui constitue le c¦ur même du dispositif. C'est la durée qui permet cette communication non verbale, donc très riche, très complexe, qui demande du temps pour être décodée. (Cette identification là ne vise pas à faire connaître cette personne dans sa vie privée, mais en tant que représentant de l'humanité. Cet homme, cette femme symbolise à lui seul plusieurs habitants de Sarajevo, et de Bosnie.

- Abolissant en même temps les distances entre Sarajevo et nous ici, on a l'impression qu'on est voisin, ça peut être nous-mêmes. Il n'y a plus la langue qui désigne l'étranger. On pourrait oublier qu'on est à Sarajevo puisqu'ils sont comme nous. Ils répondent à un réel miroir identitaire.

C'est vrai que c'est l'Europe et qu'on l'oublie. Surtout en France on a une vision très floue de ce qu'est l'Europe de l'Est parce qu'il y avait déjà une vraie barrière au moment de la guerre. Il y a beaucoup de mots qui font écran - il y a le mot musulman qui a une résonnance particulière en France - beaucoup de choses qui nous éloignent de ces gens. Une des volontés du film, qui s'est traduite dans la manière de filmer dans le cadre, c'est d'essayer d'avoir une proximité suffisante avec les gens pour qu'on puisse s'interroger pour savoir si ce sont eux qui sont là dans le cadre, ou nous. Ce qui leur arrive pourrait nous arriver à nous qui ne sommes pas dans le cadre.

- Quelle était le type de mission que vous remplissiez? Etait-elle officielle? Elle se proposait dans le cadre d'une réflexion collective?

- Il y avait des contacts qui devaient être pris avec des gens qui étaient des organisateurs du Groupe 99, des intellectuels et des artistes de Sarajevo qui sont engagés dans un combat démocratique pour essayer de faire en sorte que malgré la guerre, ce qui faisait l'intérêt de la Bosnie, la coexistence entre tous, systèmes de pensées, systèmes religieux, reste le socle de l'état. C'est une aide humaine, pratique, théorique, financière...

- Point du Jour est très proche du groupe SaGA, quelles sont leurs relations?

- Je suis venu voir Point du Jour avec ce projet parce que je savais qu'ils avaient l'expérience de tournages à Sarajevo, et c'est vrai que tourner dans ces conditions particulières, c'est toujours une aventure que peu de maisons de production ont envie de tenter. Point du Jour a montré que ça ne leur faisait pas peur. Par contre, ils n'étaient pas en mesure de produire le film, je l'ai donc produit au sein de Point du Jour. J'ai recherché tous les financements. Mais c'est vrai que ça a facilité le tournage du film puisque les liens étaient déjà établis avec le HCR et le groupe SaGA.

La démarche que j'ai faite a été d'envoyer un papier à Ademir Kenovic. Il m'a répondu que c'est un film qu'il aurait aimé avoir fait et qu'il serait ravi qu'il se fasse avec SaGA. Voilà, ça a été très simple. Je suis arrivé dans des conditions particulières dans ce groupe parce que j'étais, sur le papier tout du moins, le financier. Voilà qui était paradoxal : alors que je faisais un film ultra pauvre, j'étais une source de financement pour le groupe SaGA, dont la vie est très difficile parce que c'est une société de production qui entretient un certain nombre de personnes qui gravitent dans son orbite, qui travaillent plus ou moins sur les films suivant les occasions, les disponibilités, la masse de travail nécessaire. SaGA est un groupe composé de Serbes, de Croates, de Musulmans. Il est donc lui même pluri-ethnique, même si Ademir Kenovic et Ismet Arnautalic sont musulmans. Ce sont des gens qui tous les jours prennent des risques physiques en allant travailler puisqu'ils viennent de quartiers éloignés, qui traversent des lignes. C'est un groupe réconfortant parce qu'il représente ce pour quoi on vient lutter. lis ne parlent pas seulement de la coexistence des gens, des peuples et des idées, ils la pratiquent de l'intérieur. D'autre part, ce sont des gens qui vivent très difficilement parce que ce n'est pas simple d'être bloqué. L'activité professionnelle normale est quelque chose de très difficile parce qu'il n'y a pas d'argent liquide et très peu de moyens d'en gagner. Les choses ont un prix élevé à Sarajevo, le matériel, la nourriture. Ils se sortent de cette situation qui n'est pas facile en jouant de cette cohésion du groupe où tout le monde tire profit du salaire de l'un. C'est une sorte de structure tiers-mondiste qui fonctionne. Il y a toujours de l'animation, des films qui se font, et Ademir Kenovic essaie toujours de tourner son film.

- J'aimerais que tu parles plus du problème de production d'un tel film expérimental.

- Pour moi ce n'est pas un film expérimental. Cette forme qu'a le film est en maturation depuis longtemps, elle me semble normale par rapport à ses objectifs. Il me paraît avoir la forme qu'il doit avoir pour dire ce qu'il dit. C'est sa forme naturelle pour moi. Après, on peut se dire que ça ne ressemble pas aux autres projets qu'on voit traditionnellement qui sont présentés dans les circuits du cinéma documentaire ou de la télévision. C'est dans ce sens-là qu'arrive cette étiquette. La constatation que je dois faire c'est que j'ai eu beaucoup de difficultés innatendues pour produire ce film. Je me suis vraiment battu, j'ai envoyé une soixantaine de dossiers. Je ne me serais pas battu comme ça pour une création plus formelle, plus plastique. Il fallait réellement porter ce film jusqu'au bout, exprimer ce message. J'ai vraiment été au bout de tout ce que je pouvais imaginer pour trouver des financements pour ce film.

Globalement, les réponses manipulaient un double langage, pourtant banal, mais très appuyé dans le genre-"projet d'une grande noblesse, malheureusement, on ne peut rien faire pour vous". Les seules aides que j'ai pu avoir ont été celles de mécènes privés.

Pour les projets jugés comme singuliers, l'ensemble du système de financement du cinéma et des courts-métrages, est entièrement dépendant de la télévision, et c'est anormal. "La Hauteur du Silence" est au départ un projet de cinéma, un court-métrage de création, et ce projet ne peut obtenir des aides du cinéma que s'il est diffusé par une télévision. J'aurais dû attendre qu'une commission se réunisse, malheureusement Sarajevo, ça n'attendait pas. Maintenant, le film étant acheté par ARTE, je vais pouvoir monter le négatif du film. Comme disait Nam June Paik, être artiste vidéo, c'est 90 % du temps en relations et 10 % à faire des bandes.

Pourquoi en super l6 mm plutôt qu'en vidéo?

Je travaille dans la direction de l'image projetée sur l'écran et le film est une manière élégante de résoudre cette question. Depuis trois-quatre ans je passe de l'un à l'autre J'ai passé plus de dix ans à me servir presque exclusivement de la vidéo. C'est un un retour - j'ai commencé par faire des films et j'y retourne. J'ai redécouvert une légèreté de la caméra super l6, qui fait que le tournage a été plus facile qu'en vidéo pour des tas de raisons. D'abord, au niveau technique, le film évolue. On parle toujours de cette course-poursuite entre le cinéma et la vidéo mais c'est clair que le cinéma n'est pas quelque chose de statique.La pellicule cinéma évolue beaucoup. Les reproches de lourdeur attribué à la pellicule ne sont plus fondés maintenant dans le sens où il existe des pellicules qui tout en ayant une finesse acceptable ont des latitudes de pose tout à fait étonnantes. J'avais assisté à la présentation d'une nouvelle pellicule chez Kodak qui m'avait beaucoup intéressée. Qquand j'ai mis en place l'aventure de "La Hauteur du Silence", je me suis dis que ce serait très bien d'utiliser cette pellicule parce qu'elle me donnerait toute la souplesse dont j'ai l'habitude en vidéo. Le fait d'avoir une caméra très légère, non intrusive, ça a créé une relation avec les gens que je filmais d'une véritable qualité.

Pour les gens, la vidéo c'est la télé et donc ça arrive avec tout ce qu'on peut placer dans le mot télévision, le journalisme, l'information. Le rapport que je voulais avec les habitants de Sarajevo aurait pu en être faussé. J'aurais eu encore plus de mal à expliquer que je n'avais rien à voir avec les centaines de gens qui avaient débarqué et qui leur avaient volé leur image. On a tourné sans lumière artificielle, pour des raisons pratiques d'abord, parce que Sarajevo est une ville dont la fourniture en électricité est très inégale, et aussi pour des raisons de présence des gens filmés : si je braque quatre projecteurs, ici maintenant, l'atmosphère est très différente d'un seul coup. Je voulais retrouver une certaine sérénité, pour que les gens regardent cette caméra comme je voulais vraiment qu'ils la regardent : à travers l'objectif, regarder les gens à l'extérieur de lal ville. Je le sentais, parce que moi j'étais dans l'¦illeton, de l'autre côté de la caméra.

Je peux vraiment certifier que ces regards sont passées à travers mon corps, et d'une manière tellement violente quelquefois, que j'en étais en larmes, que je ne pouvais plus tourner. Le fait d'être avec ce dispositif permettait aux gens de retrouver leur appréciation de l'extérieur, parce que c'est ça que je voulais restituer dans le film. Tourner en film permettait d'espérer être vu dans des contextes très différents. C'est important pour ce type de film. Je compte le faire passer dans les circuits de cinéma et en vidéo. J'ai oublié ces clivages, et c'est toujours très drôle quand on me les rappelle, je n'ai pas l'impression d'avoir changé parce que j'ai tourné avec une caméra film, alors que deux jours avant je tournais avec une caméra vidéo. Je recherche toujours les mêmes choses, je pense que c'est la même chose quand on fait une aquarelle et après une huile ou une acrylique

 

 

 

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